Histoire

1er siècle avant J.-C.

Le village de Gigondas s’est d’abord appelé Gigundaz (1138), en latin Jocondatis, un toponyme qui évoque la joie et l’allégresse. Un nom prédestiné à la culture de la vigne et du vin, au développement d’authentiques traditions vigneronnes depuis deux millénaires…
On attribue en effet aux vétérans de la seconde légion romaine et fondateurs de la “Colonia Julia Arausio” (ville d’Orange, au 1er siècle avant J.-C.) la création des premiers domaines viticoles.

Vers 1120

Rostang III, évêque de Vaison, donne à son église cathédrale un manse qui comprenait une vigne sise à Gigondas près de l’Ouvèze. Il le fait en ces termes : “Petro vero Alberto Gigundatis pro vinea quae sita est juxta viam publicam est inter (… otam) episcopalem et fluvium Ovicœ solidis ordo dedit”. C’est l’acte le plus ancien confirmant l’existence d’un vignoble sur notre terroir.

La vigne couvrait au XIVe siècle une vaste superficie, d’après les registres notariaux. Celle-ci devait produire de bons vins, puisqu’en 1341 Raymond des Baux, prince d’Orange, accorde certaines libertés de pâturages aux villageois à condition que ceux-ci versent ce qu’ils lui doivent, notamment à partir du vin de leur production.

1376

C’est en 1376 qu’apparaît le premier nom d’un vignoble sur le terroir gigondassien. Il s’agit des “Bosquets”. Au XVe siècle, les actes notariés livrent les noms des lieux-dits ou quartiers suivants : Les Hautes et Basses Garrigues, Teyssonnières, Chanteduc, Ventolon, Pallières, Trignon, Beaumettes et la Coste de Saint-Cosme.

1694

C’est vraisemblablement en 1694 que le premier “Roux” met les pieds à Pallières et la propriété restera dans la famille jusqu’en 1998. Pratiquement 300 ans se seront écoulés…

1765

La Chapelle Notre-Dame de Grâce est érigée. Sa construction par un ancêtre de la famille Roux s’explique sans doute par l’éloignement relatif du centre du village, mais elle témoigne surtout de l’aisance des propriétaires.

Au cours du XVIIe siècle, certains habitants de Gigondas semblent délaisser la vigne pour se consacrer à la culture de l’olivier ou du mûrier qui demandent moins de soins. Néanmoins, le vignoble est tout de même important et justifie l’application du ban des vendanges (décision du début des vendanges) avec une amende à tout contrevenant, fixée à 5 livres en 1771.

Pour les XVIIIe et XIXe siècles, on note que la commune est fertile en vin.

1894

La première médaille d’or au Concours Général Agricole pour un vin du Domaine de Pallières.

Le domaine s’est longtemps partagé entre les oliviers, les abricots, les truffes, l’élevage du ver à soie et les vignes “à vin et à raisin de table”.

Il a été fragmenté par les héritages successifs, si bien que Hilarion Roux, possède au début des années 50, la maison et des parcelles disséminées, formant une propriété de 15 hectares. Commence alors une politique d’achats de terres et de défrichements, qui aboutit à l’exploitation telle qu’elle existe aujourd’hui.

___________________________

Texte retrouvé dans un petit carnet, sans doute écrit par Hilarion Roux en 1907

Gigondas, le 5 mars 1907

En vérifiant les vieux actes et papiers de famille qui partent de 1602, je trouve mentionné sur une lettre adressée à l’Illustrissime et révérendissime évêque d’Orange Seigneur Baron du domaine de Gigondas datée du 23 avril 1759 et signée François Roux que :

En l’année 1729, M. Eymeri greffier du domaine de la principauté d’Orange avait vendu sous une censé de deux deniers le terrain où se trouve notre source au Mourre de Piégu. Cette vente, concession ou investiture a été ratifiée, approuvée et confirmée par le procureur de l’évêque d’Orange un nommé Roux prêtre habitant Saint-André des Ramières, château de l’évêque, par ledit Roux prêtre avait reçu procuration / Bouvier notaire à Gigondas le 25 février 1758, mais depuis 1756 il administrait d’après la décharge donnée par acte notarié à Caderousse le 9 septembre 1763.

Recherches à faire à l’étude de Me Benoît à Sablet :
1° Un acte d’échange intervenant entre Pascal Roux et la commune de Gigondas le 2 septembre 1694.
2° Un autre les mêmes, 3 septembre 1696
3° Un acte entre Tarende (?) et la famille Roux.

___________________________

1956

Quand le gel de 1956 a eu raison des oliviers qui avaient survécu au gel de 1929, Hilarion Roux a décidé de reconvertir les plantations en vignes. Une partie du vignoble actuel a été planté à ce moment-là.

1971

Dès 1924, les viticulteurs de Gigondas affirment les soins donnés à leur vin et spécifient sur leur déclaration de récolte qu’ils entendent donner à leurs vins “l’appellation d’origine Gigondas”. Après l’appellation “Côtes-du-Rhône- Villages”, les viticulteurs non satisfaits ayant fait plusieurs demandes pour l’obtention d’une appellation d’origine “Gigondas”, celle-ci a été reconnue le 6 janvier 1971. C’était la première appellation village des Côtes-du-Rhône qui accédait à cet honneur !

1980

Hilarion Roux se retire. Ses 3 fils (Pierre, l’aîné, Maxime et Christian) héritent alors de l’exploitation dans le cadre de l’indivision et créent un Groupement Foncier Agricole (GFA) qui regroupe, outre le vignoble, les habitations et les bois. Pierre et Christian aident depuis longtemps leur père Hilarion qui vinifie avec compétence (en respectant les vieilles traditions) un Gigondas “à faire damner un Saint”.

1998

Pierre et Maxime Roux cèdent le Domaine en ayant pris soin de choisir attentivement leurs successeurs. Daniel et Frédéric Brunier (domaine du Vieux Télégraphe à Châteauneuf-du-Pape) deviennent propriétaires de Pallières avec Kermit Lynch, leur ami et importateur américain (depuis 1978).

2003

La cuverie est transformée. Réception des raisins, contrôle des températures, logements… tout est repensé.

2007

D’un seul vin rouge, le Domaine Les Pallières est passé à deux cuvées parcellaires nommées Les Racines et Terrasse du Diable, à compter du millésime 2007.

2012

Un élevage de chèvres naît à Pallières en 2012, dans le but de faire participer le troupeau à la vie du lieu. Sortie des premiers fromages…

Voici quelques prix qui furent pratiqués depuis 1820, pour le vin élaboré au domaine :

  • 1891 45 francs l’hectolitre
  • 1893 1 franc la bouteille
  • 1919 400 francs la pièce de 228 litres

Vente à des négociants de Bourgogne :

  • 1920 700 francs la pièce de 228 litres
  • 1928 725 francs la pièce de 228 litres
  • 1932 9 francs la bouteille (3/4 de litre)
  • 1973 12 francs la bouteille

Premier palmarès pour le Domaine Les Pallières :

1891 médaille de bronze à l’exposition d’Avignon
1894 médaille d’or au concours agricole de Paris
1901 médaille d’or au concours du département du Vaucluse pour la tenue des vignes
1914 médaille de bronze à l’exposition internationale de Lyon
1921 médaille d’argent à l’exposition des vins d’Orange
1923 médailles d’or et de vermeil à l’exposition agricole de Paris

Gigondas, une sacrée histoire

Au cœur du triangle formé par Carpentras, Orange et Vaison-la-Romaine, au pied des Dentelles de Montmirail, anciennement rattaché administrativement à Carpentras, Gigondas a quelque peu perdu le contact avec son ancienne capitale.
Quelques documents, une enceinte de remparts dont la majeure partie est encore visible avec le château restauré, ainsi que le cornet du Prince Guillaume d’Orange que l’on retrouve dans les armoiries du village… autant d’éléments qui témoignent encore de ce passé.
L’histoire religieuse fut très importante puisque six chapelles ou églises se trouvaient simultanément sur la commune au XVIe siècle, qui en a gardé son église paroissiale et les magnifiques restes de la chapelle romane Saint-Cosme et Saint-Damien. Il y eut également, et pendant au moins neuf siècles un couvent.

Avant le Moyen Âge

Les innombrables monnaies, poteries et tegulae découvertes partout dans la commune, mais aussi une collection de chapiteaux et colonnes atteste de la présence et de la civilisation romaine. Si la colonisation romaine fut effective à Gigondas – la région ayant été donnée aux vétérans des armées romaines – comme les fouilles ou les déterrements accidentels par labourage de tombeaux en plomb pour incinération, d’urnes lacrymatoires, de statuettes, de lampes, de tuiles plates, etc., le prouvent, les vestiges archéologiques ayant trait à la vigne ou au vin sont rares. Seule une tête de Bacchus a été mise à jour en 1866, par Eugène Raspail, le neveu de François-Vincent Raspail, sur les terres de son Château Raspail.

Le village de Gigondas s’est d’abord appelé Gigundaz (1138), en latin Jocondatis, un toponyme qui évoque la joie et l’allégresse. Un nom prédestiné à la culture de la vigne et du vin, au développement d’authentiques traditions vigneronnes depuis deux millénaires…
On attribue en effet aux vétérans de la seconde légion romaine et fondateurs de la “Colonia Julia Arausio” (ville d’Orange, au 1er siècle avant J.-C.) la création des premiers domaines viticoles.

Moyen Âge

À partir de 793, jusqu’au rattachement à la France en 1731, cinq familles ont régné sur la région d’Orange.

Famille des Comtes de Toulouse, de 793 à 1173
C’est vers l’an 800, après les invasions barbares et le passage des Sarrasins, que les habitants se regroupèrent pour se constituer en village. C’est à cette époque que fut créé le Comté d’Orange par un personnage légendaire : Guillaume au court Nez, compagnon de Charlemagne.

Au Xe siècle, Orange et Gigondas faisaient partie du marquisat de Provence.
Vers 1120, Rostang III, évêque de Vaison, donna à son église cathédrale, un manse qui comprenait une vigne sise à Gigondas près de l’Ouvèze. Il le fait en ces termes : “Petro vero Alberto Gigundatis pro vinea quae sita est juxta viam publicam est inter (… otam) episcopalem et fluvium Ovicœ solidis ordo dedit”.
C’est l’acte le plus ancien confirmant l’existence d’un vignoble sur ce terroir.
En 1150, le dernier de la dynastie des Adhémar (fondée par Guillaume) obtint le titre de prince avant de passer la main à la famille des Baux.

Famille des Baux, de 1173 à 1393
Famille de Chalon, de 1393 à 1530
Famille de Nassau, de 1530 à 1703
Famille de Conti, de 1703 à 1731


En 1731, après le traité d’Utrecht, par un échange fait entre le Roi de France Louis XV et le Prince de Conti, la Principauté d’Orange est définitivement incorporée au Domaine Royal par acte du 29 mai 1731.

La principauté d’Orange

Gigondas est l’une des communes qui pendant près de huit siècles formèrent la principauté d’Orange (de 1150 jusqu’en 1731). La principauté était constituée d’une bande étroite, orientée d’est en ouest et allant du Rhône aux Dentelles de Montmirail.

Elle comprenait les communautés d’habitants suivantes : Causans (aujourd’hui, partie de Jonquières), Châteauneuf-de-Redortier (aujourd’hui, partie de Suzette), Courthézon, Derboux (aujourd’hui, partie de Mondragon), Gigondas, Jonquières, Montmirail, Orange, Suzette, Saint-André-de-Ramières (aujourd’hui, partie de Violès) et Violès.

Il faut attendre le XIVe siècle pour connaître l’évolution de ce vignoble, fief des Princes d’Orange. Un de ceux-ci, Raymond V des Baux, en juillet 1341, tout en se réservant les droits de haute et basse justice, accorda aux Gigondassiens certaines libertés contre un droit de vingtain sur le vin de ce terroir pendant sept ans.

En 1376, au lieu-dit “Les Bosquets”, les registres notariaux indiquent l’existence de “vinea culta” ; puis ceux des notaires d’Oussan, dans un acte daté de l’an 1380, font état de vignes qui couvraient un territoire descendant de la chapelle Notre-Dame des Pallières jusqu’à l’Ouvèze.

Renaissance

Tout au long du XVe siècle, les mêmes registres indiquent que le vignoble s’étendait alors des “Garrigues” au “Trignon”, en passant par la “Beaumette” et la “Coste de Saint-Cosme”.

En 1563, Gigondas fut pris par les calvinistes.

Au siècle suivant, la Communauté rédigea ses statuts et les approuva le 14 novembre 1591. L’article 45 intitulé “De ceux qui vendent du vin en gros qu’ils en vendent aux autres habitans” indique avec précision les conditions de ce négoce : “Toute personne qui voudra vendre du vin en gros aux estrangiés sera tenue de vendre aux habitans dudit lieu, à quarts ou à pichet, pour le prix qu’ils l’auront vendu auxdits estrangiés, à peine y contrevenant, de payer, pour chaque personne et fois XII deniers ; et qui aura du vin à vendre, et le vendra aux habitans en gros, sera tenu de le vendre à tous habitans, à quarts ou à pichets, pour emplir ses tonneaux, au prix qu’il l’aura vendu en gros pour ouiller lesdits tonneaux, à peine de contravention pour le regard des habitans de payer II sols applicables.”

Époque moderne

En Septembre 1791, l’Assemblée nationale constituante française prit, sur la proposition du député Armand-Gaston Camus, un décret portant “incorporation à l’Empire français des deux États réunis d’Avignon et du Comtat Venaissin”.

En juin 1793, la Convention nationale française prit un décret “relatif à la formation d’un 87e département, sous la dénomination de département de Vaucluse”.

Le département de Vaucluse fut ainsi définitivement constitué par la réunion de la cité-État d’Avignon, de Comtat Venaissin, incluant l’enclave des papes dans la Drôme devenue le canton de Valréas, les principautés d’Orange et de Mondragon, la viguerie d’Apt et le comté de Sault.

Le nouveau département se vit supprimer cinq évêchés sur six : Carpentras, Cavaillon, Apt, Orange et Vaison, seul resta l’archevêché d’Avignon.
Le pape Pie VI, sous la menace d’invasion des autres États de l’Église par les armées françaises menées par le général Bonaparte, signe le traité de Tolentino, le 19 février 1797.

Gigondas, ses vins, sa terre, ses hommes

Georges Truc (géologue), Jean-Baptiste Amadieu et John Livingstone-Learmonth

2012

“Les Roux, plusieurs fois consuls de Gigondas, font partie des plus vieilles familles de Gigondas. Hilarion Roux fut un des premiers à s’engager dans les premières décennies du XXème siècle, dans une démarche syndicale pour les vins de son village. Il avait remporté, parmi les multiples récompenses qu’il obtint dans sa vie de vigneron, la médaille d’or du concours général agricole de Paris en 1894. Les Roux ont façonné ce vignoble qualifié par un amoureux du lieu de “superbe jardin de vignes accroché au dos des dentelles de Montmirail”. Il est vrai que Pallières est un très grand terroir légèrement en altitude (de 250 à 400m), entouré de 110 hectares de forêt méditerranéenne qui font partie intégrante de la propriété ; les marnes sableuses mélangées aux cailloutis calcaires arrachés aux dentelles par le ruissellement ont ici une structure, une texture bien particulières. Avec son exposition nord/nord-ouest et sa topographie en forme de coteau semi-circulaire, Pallières est bien plus qu’un microclimat, c’est une “ambiance”, composée par les Roux au cours des siècles.

Tout ici est différent, tous les végétaux ont semblé trouver un terrain idéal, un milieu harmonieux. Quand on arrive à Pallières par la jolie route qui serpente dans le vallon du Trignon, on ressent immédiatement cette harmonie toute provençale : on se sent accueilli par la nature et les hommes qui s’en occupent.
Une dégustation verticale de vins vieux de Pallières avec le regretté Pierre Roux était toujours un grand moment, notamment les extraordinaires millésimes de 1971, 1978 et 1985, véritables sommets de finesse et de complexité.

En 1998, Daniel et Frédéric Brunier (domaine du Vieux Télégraphe à Châteauneuf-du-Pape) deviennent propriétaires de Pallières avec Kermit Lynch, scellant ainsi une association débutée 20 ans plus tôt, à l’occasion de l’importation des premières caisses de Vieux Télégraphe aux États-Unis. La connaissance que Daniel et Frédéric Brunier ont du grenache, associée à la longue expérience de Kermit Lynch, importateur de plusieurs domaines de Gigondas depuis les années 1970, étaient les meilleures garanties que Pallières continuerait à être un domaine de référence à Gigondas.

Les premières années sont consacrées à la remise en état du vignoble de 25 hectares. Deux hectares sont arrachés et replantés. En 2002 un nouveau chai est construit, adapté aux idées que se sont forgés les nouveaux hôtes du lieu, à l’écoute de ce terroir et de ses vieilles vignes : une réception par gravité et surtout un schéma de vinification qui permet maintenant de vinifier chaque parcelle séparément et de lui prodiguer les soins adaptés à son caractère propre. L’élevage reste traditionnel, en foudres de chênes. Les vins ne sont pas filtrés. Kermit, Daniel et Frédéric ont une approche de la vigne et du vin basée sur l’importance et le respect du terroir. Leur travail est précis, méticuleux et surtout s’inscrit dans la durée. Le silence est d’or. Les grenache (80%), syrah, cinsault, mourvèdre et clairette des Palllières ne sauraient être autre chose que les grands vins d’un grand terroir. Il est ainsi heureux que l’histoire de ce domaine ait pu être ré-impulsée tout en préservant ce que son passé avait de plus beau à protéger. Les Pallières ont pris une direction telle que les amateurs du monde entier pourront “déguster la terre de Pallières” encore longtemps.”